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Avant-propos des éditeurs : Sibylle Meyer, Damien Gallet en 2020

 

Devrions-nous dire qu’en un sens l’identité du pseudonyme est plus forte que le nom ? Qu’elle est supérieure dans la mesure où elle existe quoi que le nom en puisse dire ? Que cette identité est aussi le seul état primaire du nom ?

 

Le Pseudonyme est inédit, le Nom c’est l’histoire

Le Pseudonyme est création, le Nom est mémoire

……….

 

Le Pseudonyme est une rature de ton Nom

 

Ce sont ces questions qui viennent à l’esprit quant au livre où Gilles Laffon  interroge et rapporte magistralement ce qui fait le nom et ce que l’identité garde des origines.

 

Petit, tu croyais que tous les Noms étaient heureux

……….

 

Mon Nom est un pli très jeune, toi tu es un repli forcé

 

La recherche d’une quête de soi (épine dorsale du nom), la question de l’écriture de l’être (en faire un autre imaginé), où l’autre (le pseudonyme) est le secours dès les premières pages, une délivrance.

 

Dans une succession de 16 chapitres de type narration, poésie, aphorisme, essai, lettre, l’auteur décline son rapport à l’identité, à son nom, à son double. Il dit peu sur lui tandis que son pseudonyme se livre bien volontiers.

 

                  Le Pseudonyme souligne un aspect auquel tu n’aurais pas prêté attention en lisant le Nom

 

C’est le nom qui écrit et le pseudonyme qui pense le nom. Au-delà des deux, il y a nous. Le « Tu » employé à l’endroit du lecteur qui lui-même questionne le Pseudonyme, lui-même se cachant derrière l’identité de l’écrivain, la boucle est bouclée

 

                 Un Pseudonyme plaisant pour le lecteur

                 Un contenu sérieux pour le Nom

 

On sait l’auteur utiliser de nombreux pseudonymes, des dizaines nous sommes-nous laissé dire, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, où les voix du nom et du Pseudonyme se répondent, se cherchent, quand l’un court après l’autre pour combler une absence dès l’origine.

 

             Il ne faut pas dévoiler le Nom du Pseudonyme avant que lui-même ne soit connu

 

Le sens du Nom est ainsi en bonne compagnie avec son pseudonyme tout en restant lui-même fidèle à son origine, le miroir pointé vers le vide à combler

 

            Il y a une confusion sur le Nom du premier homme, d’où une fautive non existence

            ……….

 

            Le Nom qui se parle se sert de son Pseudonyme

 

Tout se passe comme si la « boîte à pseudonymes » s’était ouverte, libérant ainsi des fantômes enfouis, deuil personnel et quête, relevant d’une mémoire à l’empreinte allant jusqu’à la nôtre.

 

            Les Pseudonymes valent ce que valent les Noms

 

Ainsi grossit le peuple des noms, en cercles concentriques (Cela n’est pas sans rappeler le Manifeste Circulaire auquel l’auteur a participé)

 

                 Un pour la semaine, un pour le week-end, un pour mes proches, un pour le travail, un pour le plaisir, un pour le silence, un pour moi-même

                 ……….

 

                 A l’extrémité du Nom il y a le Pseudonyme

                 A l’extrémité du Pseudonyme il y a l’anonymat

 

La voix de tous ces noms, surnoms et autres anonymes parcourt les époques à travers les citations dans une durée unique, comme écran du discours. La force du texte est en grande partie liée à la gravité qu’impose cette prose élégante, rehaussée d’expressions telles que : En chaque Anonyme, le Pseudonyme refuse de disparaître ou encore : Louer ton travail signé d’un Pseudonyme c’est valider toute ta vie et il importe peu de connaître ton Nom 

 

L’humour n’est pas étranger au ton employé qui peut être à la fois grave et drôle quand l’auteur plagie son pseudonyme : 

 

                 Le Nom se protège du Je

                 Le Pseudonyme est l’abri du jeu 

                  ……….

 

                 S’émancipe le manque d’assurance et les complexes

                 Pourtant tu ne vois pas ton Pseudonyme autrement que chauve

 

Cet humour s’exprime à régal dans les chapitres Citations apocryphes et  Propos hyperonymiques. Chapitres dans lesquels le lecteur, après s’être plu à retrouver les noms des auteurs cachés sous des pseudonymes utilisés, associera les dites citations en lien avec le nom. Cette intelligence narquoise, souvent ironique, applique le principe de non-contradiction et de similarité possible. Tel ici : Le pseudonymat est-il un trou de mémoire ? (Jean Duval pour Martin Coulon éventuellement dans l’inquisitoire de Monsieur Songe). Un clin d’œil littéraire que Robert Pinget n’aurait pas désavoué. Gilles Laffon invente des phrases prêtées comme citations quelques fois insolentes et sarcastiques, lorsqu’on connaît les auteurs, mais toujours tournées vers un soi lucide.

 

Que reste-t-il du Nom nommé quand Le lecteur anonyme oublie vite le Pseudonyme de l’auteur ?

 

On sait simplement que le pseudonyme n’est pour certains qu’une manière de changer de nom quand celui-ci n’est pas un commencement mais une fin en soi ; le nomen falsum et l’apologie du fard, le soi nommé par soi pour l’autre.

 

Quand Gilles Laffon utilise, avec son style marqué, le nom en cendre ou le pseudonyme devenu poussière, il dit : Ce n’est pas pour me cacher c’est pour aller mieux. Toute ressemblance de l’auteur avec le poète serait donc compatible.

                                                      

       

Les citations reproduites sont extraites des chapitres de « Un Pseudonyme, quelques états du Nom »

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